Sport-Arte-Sur-la-Route-avec-Socrates-Logo.jpgSi vous êtes des fans de foot, vous savez probablement que Daniel Cohn-Bendit a décidé de voyager à travers le Brésil pendant la Coupe du Monde l’été dernier. Ce 10 mars, cette épopée a été retranscrite dans un film d’1h30 diffusé en prime time sur Arte. Lors d’une projection presse, les journalistes ont pu en discuter avec lui.

D’entrée on ne sait pas comment prendre l’ancien politicien, ex-soixante-huitard… Daniel, Dany, le dossier de presse comme le générique mélange les deux. En tout cas, le nouveau camping-cariste a de l’humour. Juste avant le début de la projection, quand le responsable d’Arte introduit le film et qu’il dit, « vous allez faire 7 000 km avec un engin pas tout jeune », l’ancien dirigeant des Verts lui coupe la parole avec humour : « tu ne parles pas de moi là quand même ? »

Daniel Cohn-Bendit au volant du camping-car

Daniel Cohn-Bendit au volant du camping-car

C’est donc parti pour une matinée complète dans la salle de projection d’ARTE à Issy les Moulineaux. 1h30 de film et plus d’1h30 de questions-réponses avec les journalistes de nombreux et différents médias présents. L’ancien politicien est un passionné de foot depuis l’âge de 5 ans comme il le dira à l’issu du film. « J’ai appris à lire en lisant l’Equipe, voilà d’où vient ma passion du foot. Mon premier drame, c’est la finale Allemagne-Hongrie de 1954. J’ai toujours été contre l’Allemagne… J’étais pour la Hongrie, celle qui jouait au foot, celle de Puskas. » Il avouera plus tard que lors de ses premières années de militantisme, il lui arrivait de sécher des réunions politiques pour aller voir un match de foot ou de rugby. Quelle équipe supporte-t-il ? Trois en fait. Francfort, « même si ça ne va pas très bien », le Barça, « pour le jeu qu’il développe, » et Arsenal « car j’adore Arsène Wenger. » Sa vision du foot est tout de même un peu particulière. Selon ce grand romantique, on supporte une équipe qui nous accompagne lorsqu’on grandit, ce qui après réflexion n’est pas tout à fait faux. Il raconte alors qu’à son arrivée très jeune à Paris, c’est le Racing Club de France et le CA Paris qu’il suit avec attention, et qu’il développe une vraie passion pour le Stade de Reims qui domine le foot hexagonal à l’époque. Celui de Kopa, Fontaine, Jonquet et consorts… Du coup il passe plus pour un amoureux du jeu que pour quelqu’un de fidèle à une équipe.

Daniel Cohn-Bendit et Raï

Daniel Cohn-Bendit et Raï

Au travers de son passé, c’est surtout son amitié avec le défunt Socratès qui est à l’origine de ce road-movie. Après leur rencontre en 1984 en pleine démocratie corinthienne contre la dictature en place au Brésil, les deux hommes se lient d’amitié et ils parlent au début des années 2010 de faire ce voyage à travers le pays. Socratès décédant en 2011, « Dany » partira seul sur les routes. Il va donc faire environ 7000 km et relier Rio, Brasilia, Sao Polo, Salvador… En allant à la rencontre du peuple brésilien. « L’histoire de ce film c’est de donner la parole à ceux qui n’ont pas l’habitude de la prendre, » dira-t-il ensuite face aux journalistes. Il explique d’ailleurs que lui et son équipe sont les seuls journalistes à avoir retrouvé l’enfant indien qui a participé à la cérémonie d’ouverture et dont l’action a été censurée à la TV (le jeune homme a dévoilé une banderole « democratia » à sa sortie du terrain)… Le but est de voir si le football et la démocratie sont toujours en accord, et si la Coupe du Monde et ses dérives mercantiles profitent vraiment aux populations qui les accueillent.

D’ailleurs, Daniel Cohn-Bendit n’est pas tendre lorsqu’il s’agit d’évoquer la FIFA. Il la traite de « dictature », de « corrompue » et de faire le jeu d’autres « dictatures comme la Russie ou le Qatar » qui accueilleront les deux prochaines Coupe du Monde. Lier la politique et le football ? Il n’a pas de conseil à donner mais pour lui, c’est évidemment deux éléments indissociables : « Comment ne pas mélanger foot et politique quand on voit les attributions des Coupes du Monde en Russie et au Qatar ? On ne peut pas dire il faut faire ou ne pas faire… mais les gens doivent être libre de le faire s’ils le veulent. »

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Alors pourquoi ne pas avoir recueilli le point de vue de la FIFA dans ce film, histoire de confronter les points de vue ? Réponse de l’ancien député européen : « Je n’ai pas voulu donner la parole à la FIFA, ce n’est pas un film objectif. Je voulais savoir comment les brésiliens vivaient cette Coupe du Monde. Ce que pense la FIFA, tout le monde le sait déjà. » Pour lui, le système ne changera pas tant que Sepp Blatter restera Président, ce qui a de bonnes chances d’arriver. Et quand un journaliste lui demande comment ces changements peuvent intervenir, il répond « par la révolution ! Ce sont des révolutions des peuples qui ont mis fin à des dictatures. » Oui mais au foot, comment faire ? La FIFA n’est pas un état, c’est une organisation internationale. Pas de problème, Dany a déjà la réponse : « C’est la lâcheté des Fédérations nationales qui font le jeu du système dictatorial de la FIFA. Quand celles-ci se réveilleront, alors le système changera. » Sa vision d’un monde meilleur, par la base, par le peuple, est donc toujours intacte. Proche de Michel Platini qu’il qualifie « d’homme de droite qui devient de gauche quand il parle football », Daniel Cohn-Bendit ne sait pas trop quoi penser de sa non candidature à la FIFA : « Je ne sais pas très bien ce qu’il veut, je pense surtout qu’il n’aime pas perdre. J’aime le geste de Figo par contre. Ginola ? Non c’est con. »

Dans son film donc, place aux gens qui s’impliquent ou se sont impliqués. Vladimir, le Capitaine de la fameuse équipe des Corinthians des années 80, Raï, le frère de Socratès et qui a fondé Gol de letra, une fondation pour aider les plus démunis, un éducateur de foot dans les favelas, un gérant de bar/centre culturel, des travailleurs agricoles, des indiens… « Ma vison du Brésil est d’une banalité énorme, » dit-il. « Il y a plein de sentiments. On a une vision parfois erronée. On a fait 7 000 km sans se faire agresser dans ce pays qu’on dit dangereux. On s’est fait volé 2 portables à Salvador. Et c’est limite si ce n’était pas notre faute parce qu’on les avait laissés bien en évidence sur une table, il ne manquait plus que le panneau ‘servez-vous !’ »

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Pour en revenir au foot, l’ex-politicien pense que le jeu à l’Européenne a tué le foot brésilien. « Dunga, leur nouveau sélectionneur a joué en Europe et quand je vois comment joue son Brésil, ça ne me fait pas rêver. » Pour lui, le foot brésilien se vit sur les plages : « Le football brésilien se voit sur la plage, pied nus, technique, spectaculaire. Le reste, c’est une catastrophe. Le jeu à l’Européenne, la corruption… » Dans le film il se retrouve par hasard (là on n’y croit moyen quand même) dans une des nombreuses manifestations qui s’étaient déroulées avant et pendant l’événement. En effet, une partie des citoyens a réclamé une meilleure répartition des richesses liées à cette Coupe du Monde. Des écoles, des routes, des hôpitaux… En gros, que ce Mondial profite aussi aux brésiliens, tous les brésiliens.

Le soixante-huitard parle aussi du foot féminin. S’il avait pu échanger sur son blog avec Marta durant le Mondial, impossible de l’avoir dans le film. En revanche, il laisse une large place à deux joueuses de foot-volley. Et il a son avis sur la situation du pays : « C’est quand même dingue que dans le pays du foot, il n’y ait toujours pas de Championnat National ! Le foot féminin, tout le monde s’en fout là-bas. Alors que nous, nous avons aujourd’hui une équipe qui peut prétendre au titre cet été avec un vivier largement plus restreint. Le Brésil devrait être favori de chaque édition au même titre que les Etats-Unis. »

Daniel Cohn-Bendit et Gilberto Gil

Daniel Cohn-Bendit et Gilberto Gil

La politique est toujours là dans ce film, il y rencontre un ami de longue date, devenu politicien, qui joue la langue de bois sur ces soucis de répartition. Le célèbre Gilberto Gil est lui aussi de la partie, musicien, Ministre de la Culture sous Lula, lui aussi joue avec les mots. Ce que réfutera l’ex-politicien. « Je ne trouve pas du tout. Ils ont dit ce qu’ils avaient à dire. » C’est-à-dire pas grand-chose. La seule phrase que l’on retient de Gilberto Gil c’est que « le pays change, peu à peu. Il faut de la patience. » Quitte à se contredire lui-même quelques instants après, Dany lâche « sauf que le gens n’en n’ont plus. » C’est peut-être ce qu’on pourrait reprocher à ce road-movie, la contradiction. On attendait des sujets chocs, des confrontations, un truc de soixante-huitard quoi. Au final, il en ressort un film assez inégal, mais qui n’a jamais voulu être objectif. Même si on ne va pas se le cacher, on aurait quand même aimé le faire à sa place, ce road-movie.